François-Gastineau

François-Gastineau

REGNES

Règnes

 

Je suis né à Vouziers département des Ardennes le 8 décembre 1954 - c’est ma date de naissance - de Jacques et Pauline. Jacques, mon père,  trouva brutalement la mort sans l’avoir vue venir en plein jour d’une voiture par l’arrière quelques années plus tard. C’était à Rambouillet, Seine-et-Oise à l’époque, Yvelines désormais, le 11 novembre 1958. Nous sommes aujourd’hui le dimanche 25 septembre 2011 et depuis avant-hier, par conséquent depuis vendredi, j’ai vécu un nouveau changement brutal.

Une fois ces dates posées, je peux dire, sans aucune exagération, que ma vie est partagée en trois parties qu’on peut dater comme on le ferait pour les années de règne de trois rois successifs à savoir, je note consciencieusement, 8 décembre 1954 -11 novembre 1958, je vais dire François 1er bien sûr, 11 novembre 1958 -23 septembre 2011, François II maintenant en appliquant la coutume royale qui consiste à reprendre le nom du roi précédent comme ce fut le cas aux XVIIème  et XVIIIème siècles avec la succession des Louis et 23 septembre 2011 - 25 septembre 2011, François III donc. La dernière période devrait logiquement  s’étoffer avec le temps qui court. Mais c’est parce que je ne suis pas sûr qu’elle se prolonge, bien que je le souhaite au-delà de toutes les limites envisageables, que j’écris. Si tel malheureusement ne devait pas être le cas, ces lignes seront les traces d’un règne fugace que je pourrai relire plus tard, je l’espère, sans éprouver de honte ou sans ressentir un triste amusement vis-à-vis de moi-même. Comme un testament en suspens en quelque sorte.

L’état de grâce est parti, il n‘aura duré que deux jours et trois nuits et la douleur est  revenue. Où s’en est-il allé ? Où s’était-elle cachée ? J’observe, à la lecture des lignes de dimanche, que j’ai vécu ces quelques jours de manière naïve et passive en sachant que tout pouvait disparaître et en ne tirant aucune conclusion sur une quelconque action à entreprendre. Mais était-ce possible et comment le savoir ? Je voudrais tant que mon père soit présent, mort ou vivant. Mort tel un gardien de phare de haute mer invisible dont on sait de la terre la présence dans la nuit  par la lumière que le miroir renvoie ou vivant lors de la relève attendue et qu’à terre devant moi, il s’étonne, points d’exclamation, ou bien qu’il s’interroge, points d’interrogation. Qu’avec fierté, il cite ouvrez les guillemets Aragon. Ou Stendhal. Et tous les autres sentiments aussi avec leurs virgules, leurs points-virgules au maniement délicat, leurs tirets et leurs parenthèses, leurs points de suspension, et aussi leurs accents, les aigus, les graves et les circonflexes et les règles de grammaire du participe passé des verbes pronominaux parce que  sont les plus dures et que je ne les maîtrise pas complètement. Il a été vivant je le sais. Ce que je connais de lui se condense en une image. Ce n’est pas  l’image ordinaire d’une photographie qui aurait été fixée sur le papier. Non. Elle est, sans ambages* dans mon cœur, celle d’un paradis où l’univers est clos et si je n’ai pas su l’entretenir pendant ces heures  récentes d’un pauvre règne éphémère, l’idée me vient en écrivant, c’est que le temps y coule sans effraction comme l’eau d’un ruisseau de printemps.

 

* expression datée mais c’est comme ça.

compteur de visite html

 



22/05/2015
0 Poster un commentaire