François-Gastineau

François-Gastineau

Vérité (de Laila Sougri)

Je me réveille. La première chose que j’observe est que je suis par terre. Je ne sais pas comment j’ai fait pour me trouver ici. Suis-je tombée du lit ? Ou bien me suis-je évanouie ? J’essaie de me souvenir de quelque chose, de ce que je faisais avant de dormir…. Sans succès. Je me mets debout comme par instinct et je commence à marcher. La deuxième chose que j’observe est que je ne suis pas dans ma chambre. Super. Cet endroit m’est complètement étranger. La troisième chose que j’observe est que je suis dehors. Me suis-je fait voler puis assommer ? Mais je ne sens aucune douleur. Je regarde à gauche et à droite et je vois des murs. Suis-je dans un couloir ? Dans une maison sans toit ? N’ayant pas d’autre choix, je commence à marcher droit devant. Il faut bien aller quelque part, rester dans le même endroit ne m’amènera nulle part, n’est-ce pas ? Très vite je me trouve devant un autre mur, je tourne à droite et je continue ma route. Il n’y a que des couloirs dans cet endroit. On dirait que c’est un labyrinthe et non une maison. Punaise ! Comment ai-je fait pour arriver là ? Je marche lentement, plus parce que je suis effrayée que parce que je n’ai pas de chaussures. Je n’entends rien. Tout est mort ici. Il n’y a rien qui vive, rien qui bouge. Il n’y a ni vent ni lune. Il n’y a ni oiseaux ni serpents. Je tourne à droite puis à gauche. J’essaie de marquer les places mais il fait assez sombre. Je me perdrai très facilement. Oh, la farce !

Pendant que je me promène au clair de la lune inexistante, je trébuche sur quelque chose. Ma peluche ? Que fait-elle là ? En la regardant plus près, je vois qu’elle est toute trouée. Je continue ma route en la regardant. C’est drôle, à chaque fois que je touche un trou je sens quelque chose. Comme la dernière fois que je me suis disputée avec ma sœur. Ce n’était même pas à propos de quelque chose d’important. Je veux dire, elle avait pris mon T-shirt bleu et alors ? C’est drôle quand je me fâche, je trouve beaucoup de mots méchants à lancer. Et quand je veux exprimer de la gratitude ou de l’amour, aucun mot ne me vient à l’esprit. Je n’ai même pas pu lui dire combien je l’aimais. Elle est morte sans le savoir. Cette peluche me rend triste. C’est comme si elle contenait tous mes regrets. Elle peut bien être petite, mais elle a beaucoup de trous minuscules. Je regrette bien des choses. Je la jette.

Je commence à faire du bruit. Oui, c’est ma façon de combattre la peur et le stress. Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. Peut-être, ça attirera quelqu’un qui n’est pas le bienvenu. Je commence à chanter. Je n’ai pas une très belle voix mais je chante quand même, ça me calme. Droite, gauche, gauche droite. Je suis mon chemin à l’aveuglette. J’entends quelque chose. Ce n’était sûrement pas ma voix. Ma voix peut être horrible mais elle n’est définitivement pas une voix d’homme. Je fais moins de bruit maintenant, je ne pense pas que faire connaissance avec un homme qui rigole comme le diable lui-même soit quelque chose que je veux vivre. Je marche plus vite. La voix n’arrête pas de rigoler. Je marche encore plus vite. Elle se rapproche. Je cours.

Courir pour échapper à un danger est un bon moyen de survie, lâche peut-être mais cela fonctionne. Courir dans des couloirs qui semblent interminables n’est pas vraiment la meilleure des solutions. Mais le rire diabolique de mon poursuivant me fait automatiquement aller de l’avant. Je cours jusqu’à ce que je sente quelqu’un tout près de moi. Je tombe. Trois secondes passent et rien ne m’attrape par derrière. Je remarque que je n’entends plus le rire. Ok… je me tourne doucement en m’attendant à apercevoir une silhouette, mais il n’y a rien. Hors d’haleine, j’essaie de reprendre mon calme en regardant le mur de droite. Pour la première fois, je vois qu’il y des inscriptions sur les murs. Je me rapproche et je commence à lire : « pourquoi me fais-tu ça ? Je pensais que tu m’aimais » « Fais quoi ? Je ne fais rien. C’est toi qui interprètes les choses telles qu’elles ne le sont pas ! ». Je fais un pas en arrière en pensant que je suis devenu folle. Je n’arrive pas à lire quoi que ce soit d’autre. Toutes les lettres sont floues. Mais je n’ai pas à lire davantage de toute façon. Cette conversation, je la connais par cœur. Elle était la dernière dispute que j’ai eue avec mon ex. Il m’accusait de flirter avec d’autres hommes. Il croyait que je le faisais pour le rendre jaloux. J’ai tout fait pour le convaincre qu’il imaginait des choses mais il était persuadé que je mentais. Ce qui est triste est qu’il avait raison. Et que j’ai fait des choses horribles à lui qui m’aimait tant. Quand il s’était rendu compte que je n’étais pas si innocente que je le lui ai fait croire, il était sorti de la maison pour ne jamais y revenir et j’ai perdu le seul être qui voulait me rendre heureuse. Mon insolence, mon orgueil, mon égoïsme etc. m’ont ruinée. Je n’ai su sa valeur que quand qu’il est parti.

Quelque chose à une grande vitesse passe derrière moi. Il est revenu ! Je recommence à fuir. Gauche droite, droite gauche. Il apparaît devant moi. Je cours à droite. Il apparaît à ma gauche je fuis droit devant. C’est comme s’il m’encerclait. Il est partout. Je suis terrifiée. Je ne sais pas pourquoi mais je pense à ma mère. Ma mère qui m’a protégée quand j’étais enfant, qui m’a soutenue quand j’étais adolescente et qui m’a pardonnée quand je suis devenue adulte. Ma mère que j’ai épuisée quand j’étais enfant, que j’ai négligée quand j’étais adolescente et que j’ai blessée quand je suis devenue adulte. Je m’arrête devant un mur. Je regarde partout mais il n’y a aucune issue. Prise au piège. Je me retourne et je vois l’homme qui se dirige vers moi. Je peux maintenant distinguer sa silhouette, elle devient une petite silhouette de femme avec un couteau dans la main. Elle a un masque au visage. Elle l’enlève. Ce que je vois c’est moi. Elle me poignarde.

Je me réveille. Cette fois je suis dans mon lit. Effrayée, essoufflée, déprimée. J’allume ma veilleuse pour m’assurer qu’Elle n’est pas là. Je ne la vois nulle part dans la chambre mais pourtant Elle est ici, avec moi. Elle est en moi. Elle est moi. Elle est celle que je montre aux autres. Elle est celle qui joue un différent rôle chaque jour. Elle est celle qui porte un masque au visage sans même considérer être elle-même. C’est un cauchemar que je n’oublierai jamais parce que c’est plus ma vérité qu’un simple rêve. Cela m’a montré qui je suis, ce que j’ai fait et comment j’en suis arrivée là : sans rien, sans personne…

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10/06/2015
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